Caniscol, un dispositif d’apprentissage de la lecture qui a du chien !

Depuis plusieurs semaines, un étrange compagnon à quatre pattes se promène entre les tables de la bibliothèque universitaire de Paris 13. Tenue en laisse par de jeunes enfants sous les yeux écarquillés des étudiants, Bahia entraine cette petite troupe de sept villetaneusiens vers un cocon aménagé derrière des paravents. Dans l’atmosphère ouatée de la BU, assis sur la moquette grise ou lovés sur des poufs, nos écoliers lisent à haute voix, dessinent ou chuchotent. Bahia, elle, règne en maître de cérémonie.

Meriem, 11 ans, scolarisée à Jean-Baptiste-Clément en CM2, a été orientée par le Programme de Réussite Educative (PRE). Accompagnée par son père, elle participe à ces ateliers depuis le début. Présente sur le territoire français depuis moins d’un an en provenance d’Algérie, elle ne parlait que très peu la langue à son arrivée. « Mais je me sens de plus en plus à l’aise et sereine en présence de Bahia », confie-t-elle. « Ici on oublie l’école et ses obligations, ses prescriptions. On essaie de fonctionner autrement », précise Louis Delespierre, responsable du service valorisation des collections et animateur du dispositif.

« Sans enthousiasme, on n’avance pas »

Sous l’égide de Marie-Hélène Paret Passos, ingénieure de recherche, les enfants reprennent peu à peu confiance en eux, dépassent leur crainte face à un exercice, la lecture à haute voix, source d’anxiété. « L’idée, c’est de les placer dans un autre contexte que celui académique. Il n’y a pas d’injonction, pas de performance, nous cherchons davantage à faire émerger l’estime de soi », indique la chercheuse. Le cadre joue également pour beaucoup : « En REP +, on ne voit pas l’université comme un horizon. Par le biais de ce dispositif, nous proposons de démystifier ce lieu ». Hors cadre scolaire, les enfants, à qui l’on remet un cahier, un crayon et une carte de lecture tamponnée à chaque séance, s’inscrivent dans une démarche non contraignante. « Les enfants sont là, et ils reviennent ! Sans enthousiasme, on n’avance pas. »

En état d’apaisement

La présence de Bahia agit comme un catalyseur. Placée au centre du dispositif, c’est à elle que les enfants s’adressent lorsqu’ils passent à tour de rôle lire l’ouvrage qu’ils ont choisi. D’après Mme Paret Passos, des études ont démontré les effets physiologiques chez l’humain en présence du chien : diminution du rythme cardiaque, de la pression sanguine, du stress, élévation du taux d’ocytocine et de la cortisone… En état d’apaisement, les connexions neuronales peuvent se diriger plus facilement vers la lecture. L’attention et la concentration s’accroissent. Dans une deuxième phase, lorsque l’enfant ne lit pas, il lui est proposé d’expliquer son livre aux autres, afin de travailler sur la compréhension. Dans le cadre de ce programme de recherche, chaque séance est par ailleurs filmée, une évaluation est prévue dans quelques mois.

Emma se lance la première. Elle s’approche de Bahia, livre en main. « Comment j’ai dompté ma timidité ». Le Yorkshire couché sur un drap lève l’oreille. Moussa, sweat bleu siglé Nasa est quant à lui plongé dans la lecture de l’ouvrage « Elmer et les chasseurs ». Les autres enfants dessinent en silence.